Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/284

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’hyperbole qu’il prétendoit lui avoir enseignée, il n’y eut que la compassion qui empêcha M Descartes de rire, se souvenant que Béeckman ne sçavoit pas même ce que c’est qu’hyperbole , et qu’il n’en pouvoit parler tout au plus que comme un grammairien. M Descartes avoit rapporté quelques-unes des propriétez de l’hyperbole , particuliérement celle qu’elle a de détourner les rayons, dont la démonstration lui étoit échappée de la mémoire, et qui ne se présentoit pas pour lors à son esprit sur le champ. Mais il avoit démontré au Sieur Béeckman sa converse dans l’éllipse , et il lui avoit expliqué en même têms certain théorêmes d’où elle pouvoit si facilement être déduite, que pour peu qu’on y prît garde, on ne pouvoit manquer de la rencontrer. C’est pourquoi il l’avoit exhorté à la chercher de lui-même ; ce qu’il n’auroit jamais fait, aprés que Béeckman lui eût avoüé qu’il ne sçavoit rien des coniques, s’il n’eût jugé que cette recherche étoit trés-facile. Béeckman chercha donc cette converse de l’hyperbole sur ses avis. Il la trouva, et la montra à M Descartes, qui témoigna en être réjoüi : et lui dit qu’il se serviroit de cette démonstration, si jamais il écrivoit sur ce sujet. Béeckman le prit au mot, sans considérer que M Descartes en avoit usé comme un maître, qui apprenant à son écolier à faire des vers, lui donneroit une epigramme dont il lui dicteroit de telle sorte le sens et la matiére, qu’il n’y eût qu’à transposer un mot ou deux pour mettre l’epigramme dans sa perfection ; et qui témoigneroit de la joye voyant l’écolier réüssir à transposer ainsi ce peu de mots. Mais Béeckman agissoit à l’égard de M Descartes, de même que si cet écolier se croyoit grand poëte, et vouloit regarder son maître comme son disciple, sous prétexte que le maître pour l’encourager auroit ajoûté que si jamais il avoit à composer une epigramme sur le même sujet, il ne voudroit pas se servir d’autres vers que des siens.

Mais le mal qui faisoit principalement crier le Sieur Béeckman, étoit la peine de voir qu’ayant souvent donné des loüanges à M Descartes, celui-ci ne lui en avoit rendu aucune. Il s’en plaignit comme d’une injustice. Mais M Descartes, qui étoit d’un caractére d’esprit fort opposé, lui récrivit