Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/298

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des plus hautes et des plus difficiles de la métaphysique. Si vous voyez le P Gibieuf, je vous prie de ne lui point témoigner que j’aye encore reçu son livre. Car mon devoir seroit de lui écrire dés maintenant pour l’en remercier. Mais je serai bien-aise de différer encore deux ou trois mois, afin de lui apprendre par le même moyen des nouvelles de ce que je fais.

Nous avons perdu la lettre que M Descartes écrivit au P Gibieuf, pour lui rendre conte du fruit qu’il tira de la lecture de son livre : mais nous apprenons par ce qu’il en a mandé dans les occasions au P Mersenne, qu’il approuvoit beaucoup cet ouvrage ; qu’il étoit entiérement d’accord avec son auteur sur le libre arbitre ; et qu’il s’est étudié dans la suite à expliquer l’indifférence de Dieu et de l’homme, et les autres matiéres concernant la volonté et la liberté, de la même maniére que cet auteur. Lorsqu’on lui fit des objections dix ans aprés sur l’endroit de ses méditations où il parle de cette matiére, il ne crut pas devoir trop s’embarasser d’y répondre, jugeant que c’étoit plûtôt la cause du P Gibieuf que la sienne, ou du moins qu’il auroit en lui un habile avocat. Quant à ce que j’ai écrit, dit-il, que l’indifférence est plûtôt un défaut qu’une perfection de la liberté en nous, il ne s’ensuit pas delà qu’il en soit de même en Dieu. Et toutefois je ne sçache point qu’il soit de foy de croire qu’il est indifférent ; et je me promets que le Pére Gibieuf défendra bien ma cause en ce point. Car je n’ai rien écrit qui ne s’accorde avec ce qu’il a mis dans son livre de la liberté de Dieu et de la créature .

Le livre du P Gibieuf fit dans sa naissance beaucoup d’éclat parmi les sçavans, sur tout parmi ceux qui se mêloient de théologie. Un religieux de l’ordre des augustins nommé A Riviere, prêta son nom à un théologien célébre qui demeuroit à Lyon pour l’éxaminer. Ce théologien ne fut pas tout-à-fait du goût de M Descartes dans le jugement qu’il en fit.

Car ayant publié dés la même année un livre contre les calvinistes sur la liberté de l’homme et la grace de Jésus-Christ, sous le titre de (…), il parut avoir voulu donner au calvinisme des bornes plus étenduës qu’il n’avoit euës jusqu’alors, et y renfermer divers catholiques romains,