Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/313

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corps et avec plusieurs autres qualitez ; comment il en fond quelques-uns et en durcit d’autres ; comment il peut les consumer presque tous, ou les réduire en cendres et en fumée ; et comment de ces cendres il forme du verre par la seule violence de son action.

De la description des corps inanimez et des plantes, il voulut passer à celle des animaux, et particuliérement à celle des hommes. Mais il ne crut pas en avoir encore assez de connoissance pour en parler du même stile, c’est à dire, en démontrant les effets par les causes, et en faisant voir de quelles semences et en quelle maniére la nature les doit produire. Il se contenta de supposer que Dieu formât le corps d’un homme de cet autre monde entiérement semblable à l’un des nôtres, tant pour la figure extérieure de ses membres, que pour la conformation intérieure de ses organes. Selon ce principe, Dieu ne devoit point composer ce corps d’une autre matiére que de celle qu’il avoit décrite ; ni mettre en lui au commencement aucune ame raisonnable, ni aucune autre chose pour y servir d’ame végétante ou sensitive. Il devoit seulement exciter dans son cœur un de ces feux sans lumiére qu’il avoit déja expliquez, et qu’il ne concevoit point d’une autre nature que celui qui échauffe le foin, lorsqu’on l’a renfermé avant qu’il fût sec, ou qui fait boüillir le vin nouveau, lorsqu’on le laisse cuver sur la rape. Car examinant les fonctions que ce corps pouvoit avoir ensuite de cela, il y trouvoit exactement toutes celles qui sont en nous sans que nous y pensions, ni par conséquent que nôtre ame (dont la nature selon lui n’est que de penser) y contribuë. Ces fonctions n’étoient point différentes de celles qui font que les animaux sans raison nous ressemblent ; et il n’y en trouvoit encore aucune de celles qui étant dépendantes de la pensée sont les seules qui nous appartiennent entant qu’hommes : au lieu qu’il les y trouvoit toutes, aprés avoir supposé que Dieu créât une ame raisonnable, et qu’il la joignît à ce corps d’une certaine maniére dont il donnoit la description.

Il s’étendit particuliérement sur l’anatomie, pour la connoissance de laquelle il avoit fait depuis trois ans la dissection d’une infinité d’animaux de différentes espéces. Il s’étendit