Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/326

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et celles qui ne se ouvernent que par autorité ou par scrupules. Il laissa les prémiers dans la liberté de penser ce qu’il leur plairoit, et de donner tel nom qu’ils voudroient au transport qui se fait de la terre dans sa sphére : et il empêcha les autres de s’allarmer contre cette hypothése, puisqu’en effet ce n’est que fort improprement qu’on peut attribuer du mouvement à la terre. Car ayant supposé que le mouvement n’est autre chose que l’application successive d’un corps par tout ce qu’il a d’extérieur aux diverses parties des corps qui l’environnent, il faisoit voir que ce qu’on nomme le mouvement journalier de la terre appartient plûtôt à la masse composée de la terre, de la mer, et de l’air, qu’à la terre en particulier. Elle peut être censée selon lui dans un parfait repos, tandis qu’elle se laisse emporter par le torrent de la matiére où elle nage ; de même que l’on dit qu’un homme qui dort dans un navire est en repos pendant que le navire se meut véritablement. Par le même raisonnement il prétendoit que ce qui s’appelle mouvement annuel de la terre ne lui appartient aucunement, non pas même à la masse composée de la terre, des eaux et de l’air, mais plûtôt à la matiére céleste qui emporte cette masse autour du soleil.

Quelque changement que M Descartes ait donné au tour de ses expressions touchant le mouvement de la terre en faveur des délicats et des scrupuleux, il ne changea jamais de sentiment sur ce point. Mais ayant supprimé son traité du monde, il en transporta cette opinion dans le livre de ses principes qu’il fit imprimer dix ans aprés, animé par l’exemple de tout ce qu’il y avoit d’habiles philosophes et mathématiciens catholiques, à qui le decret de l’inquisition n’avoit point fait tant de peur qu’à lui. L’éclat que fit l’affaire de Galilée par toute l’Europe réveilla aussi divers prédicateurs luthériens et calvinistes élevez sous la discipline d’Aristote et de Ptolémée.

Plusieurs d’entre eux se trouvérent pour cette fois unis de sentimens avec les inquisiteurs romains. M Descartes crut que les philosophes de l’eglise catholique sectateurs de Copernic pourroient tirer quelque avantage de cette disposition : et il sembloit souhaiter dans cette vûë que les ministres protestans