Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/333

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Descartes fit voir à M De Ville-Bressieux une infinité de choses qui passoient de loin la portée des autres mathématiciens, principalement en ce qui regarde l’usage des lunettes et des miroirs. Il faisoit devant lui toutes ses épreuves, tantôt avec de la glace, tantôt avec du marbre noir artificiel . Il lui en faisoit polir et creuser de toutes grandeurs et de toutes figures ; et aprés avoir produit tous les effets qu’il en pouvoit souhaiter, il les lui faisoit briser, et lui en faisoit faire de nouveaux de la même matiére. Toutes simples et toutes naturelles que fussent ces merveilles qu’il opéroit de jour en jour dans l’optique, elles ne laissoient pas de causer beaucoup d’étonnement dans l’esprit de M De Ville-Bressieux. Mais jamais il ne parut plus surpris que lorsque M Descartes lui fit passer devant les yeux une compagnie de soldats au travers de sa chambre en apparence. L’artifice ne consistoit qu’en de petites figures de soldats qu’il avoit soin de cacher ; et par le moyen d’un miroir il faisoit grossir et augmenter ces petites figures jusqu’à la juste grandeur de l’homme au naturel, et sembloit les faire entrer, passer, et sortir de la chambre.

M Descartes pour ne le pas tenir dans un enchantement perpetuel, trouva bon qu’il lui tint compagnie dans le voyage de Danemarck et de la basse Allemagne, qu’il entreprit vers ce têms-là. Ce qu’ils firent ensemble pendant tout ce voyage est devenu un mystére pour le public par le peu de soin qu’ils ont eu d’en informer leurs amis. Nous sçavons seulement qu’étant décendus dans la Frise orientale, ils s’arrêtérent quelque têms à Embden pour y observer ce qu’ils y trouveroient de plus remarquable. Là M De Ville-Bressieux fit une speculation sur la façade de la maison de ville que M Descartes trouva fort bien imaginée et fort utile aux ingénieurs, aux peintres, et à toutes les personnes qui tirent des plans tant réguliers qu’irréguliers. Car il ne faut pas avoir, disoit-il, beaucoup d’habitudes à la peinture pour lever ou tracer un plan élevé en perspective sans connoître les regles de la perspective, et sans sçavoir même les principes de géométrie, dont on se sert ordinairement dans les leçons que l’on y donne pour la perspective commune et ordinaire. C’est ce qui fait souvent que les maîtres n