Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/378

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calculs qui y sont, mais qui paroissent d’abord d’autant plus difficiles qu’on y est moins accoûtumé. Pour ne le point effraier il voulut luy faire croire que ce n’étoit un travail que de peu de jours ; et il luy persuada de passer du prémier livre au troisiéme, afin d’y trouver plus de facilité.

La fortune des auteurs est à plaindre jusqu’aux choses qui devroient le plus contribuer à leur plaisir et à leur gloire. Une de ces choses est sans doute la coûtume qu’ils ont de reconnoître leurs patrons, leurs bienfaiteurs, et leurs amis par les présens qu’ils font de leurs livres lors qu’ils les font imprimer. Mais par une malignité sécréte qui corrompt les meilleures choses de ce monde, il est arrivé trés-souvent que cette coûtume toute honnête toute loüable qu’elle paroît, a été jusqu’ici pernicieuse à plusieurs de ceux qui l’ont suivie. Si les auteurs font peu de présens, ils font peu de mécontens par le grand nombre de ceux qui ne peuvent trouver mauvais de se voir exclus du petit nombre. S’ils font beaucoup de présens, ils font d’autant plus de mécontens, qu’il se trouve plus de gens qui croient pouvoir prétendre aux libéralitez de l’auteur avec autant ou plus de prétexte que plusieurs de ceux qui y ont part. De sorte que plus un pauvre auteur s’épuise en libéralitez, plus il s’expose au ressentiment de ceux qui se croient oubliez. Un seul de ces derniers est souvent plus ardent et plus ingénieux à ruïner la réputation de cét auteur, que tous ses amis ne le sont à l’établir. Deux cens éxemplaires ne suffirent pas à M Descartes pour satisfaire tout le monde. Mais s’il avoit pû prévoir l’avenir, il auroit sans doute oublié un Mydorge, un Hardy, un Picot, un Mersenne, je veux dire les plus intimes de ses amis, plûtôt que le bon Monsieur De Roberval. Il est vray que M Descartes ne connoissoit pas cét homme ; et à peine avoit-il oüy parler une seule fois de luy à l’occasion de la chaire de Ramus, lors que le Pére Mersenne luy manda qu’il étoit un de ceux qui la briguoient. Monsieur De Roberval qui s’est élevé depuis au rang des prémiers géométres de France étoit de six ans et de quelques mois plus jeune que M Descartes. Il étoit né le 8 d’août de l’an 1602, non dans le diocése de Soissons ;