Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/397

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le mérite de M De Fermat depuis quelques années, et aprés les preuves diverses qu’il en avoit déja reçûës il n’étoit presque plus en état de se tromper dans le jugement qu’il faisoit de son habileté.

M De Fermat étoit un de ces heureux sujets que la nature rend propres à tout. Il n’étoit pas seulement l’un des beaux esprits de son têms pour la délicatesse et le goût de la véritable beauté des choses. Il avoit encore le génie d’une si vaste étenduë, qu’ayant embrassé la connoissance de plusieurs sciences tres-éloignées les unes des autres, il les possédoit aussi parfaitement que s’il ne se fût appliqué qu’à une en particulier. Il étoit grand humaniste, poëte délicat et heureux dans les langues mortes et vulgaires, trés-versé dans toute l’antiquité ; adroit et seur à tirer le sens et la pensée des endroits les plus impénétrables des auteurs difficiles et obscurs. Il étoit de plus trés-habile dans la jurisprudence, et il remplissoit les devoirs de sa charge avec une application et une suffisance, qui l’a fait passer pour un des grands jurisconsultes de son têms. Mais ce qui fait voir que son esprit étoit d’une force et d’une profondeur égale à son étenduë, c’est qu’il étoit devenu si grand mathématicien, qu’aprés M Descartes, et le fils du président Pascal son ami, le public n’a trouvé personne à luy préférer parmi les prémiers hommes de cette profession. Il excelloit dans toutes les parties des mathématiques, mais particuliérement dans la science des nombres, dans la belle géométrie, et dans l’optique. C’est ce qui a paru non seulement par les beaux ouvrages qu’il a donnez au public, mais sur tout par les occasions qu’il a euës de mesurer ses forces avec M Descartes, qui auroit peut-être connu son mérite moins parfaitement, si le P Mersenne ne s’étoit avisé de les commettre ensemble. Ce pére avoit déja envoyé des questions de M De Fermat à M Descartes avant la publication de ses essais : mais il ne s’étoit point soucié de luy déclarer même le nom de ce magistrat, et il s’étoit contenté de ne le luy faire connoître que par le terme appellatif de conseiller de Toulouse . Ce ne fut pourtant pas un obstacle à la pénétration et au discernement de M Descartes, qui ne laissa pas d’en récrire au P Mersenne dés le mois de may de l’an 1637 en ces termes. Vous m’envoyez une proposition