Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/421

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Le P Mersenne qui se faisoit un plaisir de concilier les esprits aprés les avoir excitez les uns contre les autres, pria M Descartes de supprimer dans ces favorables conjonctures de réünion, un écrit fait par un de ses zélez partisans contre Messieurs De Roberval et De Fermat pour sa défense, parcequ’il craignoit que cela n’éloignât et n’aigrît des esprits si bien disposez à la réconciliation. M Descartes répondit à ce pére qu’il avoit grande raison de luy donner cét avis ; que quand l’auteur de cét écrit ne luy auroit pas permis de le supprimer il n’auroit pas laissé de le faire ; qu’autrement il auroit participé à la faute de cét auteur ; qu’au reste, il n’avoit aucun droit de faire imprimer des médisances, hormis celles dont il pourroit être obligé de se justifier luy-même, ou qu’il seroit nécessaire de réfuter.

Le cœur de M De Roberval ne paroissoit pas fait pour celuy de M Descartes, aussi ne purent-ils jamais demeurer parfaitement unis. Il n’en étoit pas de même de celuy de M De Fermat, dont on peut dire que M Descartes fut le maître le reste de ses jours. Mais ce qui est assez ordinaire dans des amis qui ont des lumiéres différentes, il est certain que leurs esprits ne suivirent pas toujours la loy de leurs cœurs. M De Fermat persuadé comme auparavant de l’excellence de sa méthode, n’étoit pas convenu des exceptions que M Descartes y avoit faites pour la rendre telle. Il continua sans préjudice de leur nouvelle amitié de publier ses complaisances pour l’invention de cette méthode, et il sembloit même attribuer à quelque defaut d’attention ce que M Descartes jugeoit qu’on y pouvoit retoucher. Le Pére Mersenne ne manqua point de donner avis de cette conduite à M Descartes, à qui elle parut assez incompréhensible. Il en récrivit à ce pére le Xxiii d’août et luy fit un abrégé historique de leur dispute pour le rendre ensuite le juge de cette conduite. Vous m’envoyâtes, dit-il, l’hyver passé de la part de M De Fermat une régle pour trouver les plus grandes et les moindres en géométrie. Je la crus défectueuse, et je le vérifiay par l’exemple même qu’il avoit donné. Mais j’ajoûtay qu’en la corrigeant on pouvoit la rendre assez bonne ; quoiqu’elle ne fût pas si générale que son auteur prétendoit. Je fis voir néanmoins qu’on ne pourroit pas s’en servir de la manié