Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/455

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plaignit à luy-même par une lettre qu’il luy en écrivit dés la même année que son livre parut : et le P Mersenne en fit autant, mais d’un stile encore plus sévére. Torricelli touché des preuves de ce pére, et ne voulant pas que la confusion de cette entreprise demeurât attachée à sa mémoire dans l’esprit de la postérité, se crud obligé de luy donner les mains ; et sans perdre le jugement il céda l’invention de la roulette à M De Roberval. La lettre qu’il en écrivit à Paris dattée de l’an 1646, s’est conservée en original jusqu’à présent en passant des mains du P Mersenne en celles de M De Roberval, et de celles de M De Roberval en celles de M Carcavi. Il y déclare sans détour que cette ligne cycloïde ou la roulette ne luy appartenoit pas, et que jusqu’à la mort de Galilée, c’est-à-dire, en 1642, on n’en avoit rien sçû en Italie. Mais il n’y est point parlé de la restitution dûë à M Descartes, parceque M De Roberval n’avoit pas jugé à propos d’avertir Torricelli de ce qui luy appartenoit dans les papiers que M De Beaugrand avoit envoyez à Galilée.

Cependant comme le livre de Torricelli étoit public, et que son des-aveu ne l’étoit pas, l’erreur ne laissa pas de se glisser, sur tout dans l’esprit de ceux qui n’étoient point en commerce de mathématiques avec le P Mersenne, où Messieurs Des Argues, De Fermat, Descartes, De Roberval. M Pascal Le Jeune quoique fils d’un mathématicien trés-instruit de tout ce qui s’étoit passé là-dessus, et trés-uni avec M De Roberval, avoüe qu’il fut du nombre de ceux qui y furent trompez ; et que dans ses premiers écrits il avoit parlé de cette ligne comme étant de Torricelli, parceque M De Roberval s’étoit peu soucié d’ailleurs de s’attribuer cette invention, et qu’il avoit négligé d’en rien faire imprimer.

Torricelli aprés cette petite disgrace (selon la pensée des mathématiciens de Paris) ne pouvant plus passer auprés de ceux qui sçavoient la vérité, pour auteur de la dimension de l’espace de la roulette , ny même de celle du solide autour de la base que M De Roberval luy avoit déja envoyée ; il essaya de résoudre celuy d’autour de l’axe . Mais il ne put y reüssir ; et il mourut peu de têms aprés ayant reçû auparavant de M De Roberval la conviction de son erreur, et la véritable et géométrique solution de ce qu’il cherchoit.