Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/98

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l devoit être mis devant le maître autel de l’eglise.

Cette cérémonie se fit le 4 de juin, et il fut arrêté dans l’hôtel de ville de La Fléche, qu’à pareil jour il se feroit tous les ans une procession solennelle depuis l’eglise de S Thomas jusqu’aux jésuites ; qu’au retour l’on feroit un service aussi solennel pour l’ame du roy ; et que ce jour seroit chaumé d’oresnavant comme les fêtes, en fermant les audiences de la plaidoirie, les classes du collége, et les boutiques de la ville.

Le lundi suivant qui étoit le 7 de juin, on ouvrit les classes pour reprendre les éxercices ordinaires du collége : et m Descartes continua l’étude de la philosophie morale, que son professeur avoit commençé de dicter vers le mois d’avril. La logique, qu’il avoit étudiée pendant tout l’hiver précédent, étoit de toutes les parties de la philosophie celle à laquelle il a témoigné depuis avoir donné le plus d’application dans le collége. Il faut avoir acquis autant d’autorité qu’il en a maintenant dans le monde, pour avoir pû rendre probable le récit qu’il a fait de ses progrez en logique. Il n’avoit pas encore quatorze ans achevez, qu’il rapportoit déja tout ce qu’il étudioit à la fin qu’il s’étoit proposée, de connoître tout ce qui pouvoit être utile à la vie. Dés ce tems là il s’apperçut que les syllogismes et la plûpart des autres instructions de la logique de l’ecole servent moins à apprendre les choses que l’on veut sçavoir, qu’à expliquer aux autres celles que l’on sçait, ou même, à parler sans jugement de celles qu’on ignore, qui est l’effet que l’on attribuë à l’art de Raimond Lulle.

Il reconnoissoit pourtant dans la logique, beaucoup de préceptes qui sont tres-vrais et tres-bons ; mais il les trouvoit mêlez parmi beaucoup d’autres qu’il jugeoit nuisibles ou superflus, et il avoit autant de peine à les séparer, qu’un statuaire en peut avoir à tirer une Diane ou une Minerve d’un bloc de marbre qui n’est point encore ébauché. De tout ce grand nombre de préceptes qu’il a reçeus de ses maîtres dans la logique, il n’a retenu dans la suite que les quatre régles qui ont servi de fondement à sa nouvelle philosophie. La prémiére de ne rien recevoir pour vrai qu’il ne connût être tel évidemment. La seconde, de diviser les choses le plus qu’il seroit possible pour les mieux résoudre. La troisiéme, de conduire ses pensées