Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/109

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mis, je dois tenir. Cette idée je n’en parle à personne, car je ne trouverais pas les mots pour l’expliquer. Elle existe tenace, toujours présente, niaise si l’on veut et, quand on pense à ses conséquences, effrayante. Si quelque chose au genou me rend inapte au service du pays, autre chose dans la tête me rend inapte au service de Dieu. J’en souffre au fond de moi-même. Comme je suis triste naturellement, cela ne se voit pas.

À la maison, rien de changé. « Ah ! mon Dieu ! oui. — Ah ! mon Dieu ! non. » La mallette de papa a pris de la patine. Une auto en passant y a laissé du cambouis : une grosse tache. Chaque fois que papa la regarde, il a l’air de la découvrir et passe la main dessus. Je pense au sang sur les doigts de Lady Macbeth :

— Pas la peine, papa, cela ne s’en ira pas.

Il me regarde alors avec son air de pur Lou… Son : « Ça suffit » est resté entre nous. J’y pense ; il y pense. Comme la tache, cela ne s’en ira pas.

Un jour, j’ai eu un élan vers maman. Je me suis jeté à son cou. J’aurais voulu… j’aurais voulu… Peut-être me décharger de tout. Je n’ai pas pu. Sans doute a-t-elle deviné ?

— Mon pauvre petit.

Quoi encore ? J’ai un ami, Charles, mon ancien camarade d’école. J’en parlerai. Les