Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/113

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Un jour, j’eus ma petite aventure. Pensant à ses avis, M. Poncin vérifiait ses registres, quand il donna du doigt dans un petit carré vide. Oh ! ce doigt ! Il me parut voir la queue d’un chien frétiller devant un trou de lapin. Ce carré était destiné à mentionner la somme qu’un contribuable aurait dû verser depuis longtemps. Le contribuable s’appelait Mme veuve Lapierre. La somme était de cinq francs. Il s’agissait précisément d’un chien.

— Voilà qui est bien, dit M. Poncin. Nous allons envoyer un premier avis.

Le lendemain, une petite vieille parut au guichet.

— J’ai reçu ce billet. Je suis…

— Oui : Mme veuve Lapierre.

Elle n’était pas en pierre du tout. On eût dit du bois, tailladé, crevassé, une épaule vers en haut, une épaule vers en bas, une pauvre mantille qui s’accrochait de son mieux pour ne pas glisser par terre. « Il est stupide, pensai-je, d’ennuyer cette vieille pour cinq francs. » Mais j’étais au service de mon Percepteur :

— Ces cinq francs, expliquai-je, sont dus pour votre chien.

— Je n’ai plus de chien, Monsieur.

— Vous en avez eu.

— Il est mort.