Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/211

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mer et le vent souffle. Nous causions : son travail, le mien, mon enfance, la sienne.

Ah ! Jeanne ! Écrire sur toi, je n’écrirais que du bonheur et mes cahiers n’y suffiraient pas. Un jour, je préparai une lettre. Nous avions passé la soirée ensemble, seul à seul comme on dit. J’écrivis ces mots comme on les prononce. Eh non ! sur le papier ils vivaient. L’un de ces « seul » représentait Jeanne, l’autre c’était moi, seule et seul : un féminin blotti près d’un masculin, quelle communion ! Et puis, il me fallut choisir. Écrire « seule à seul » ou « seul à seule » ? Il y avait une nuance. Quelle joie de comparer. Comme les idées allaient loin ! Seul à seule, seule à seul, pendant ces jours, je humai ce bonheur.

Un autre jour, elle me raconta une histoire, presque une histoire de perce-oreille, mais en plus beau. Elle était petite, elle étudiait un soir. Elle avait bien entendu ce bourdonnement dans le verre de sa lampe, mais elle n’y avait pas prêté attention. Et tout à coup ce bourdonnement devint aigu, aigu, comme un cri qui demande du secours. Une mouche s’était fourvoyée dans le tube de verre et, ne pouvant en sortir, allait certainement se brûler. Jeanne voulut la sauver. Cela prit un peu de temps, car le verre lui brûlait les doigts et la mouche, affolée déjà par la flamme, en