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ENTRE NOUS

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Je ne me lave pas tous les jours ; je me peigne si cela me plaît et ne mets un faux col que le dimanche pour la messe. Je porte un béret parce que je n’aime pas les visières, mais je ne m’offusque pas, quand les paysans disent « votre casquette », comme de la leur.

Mes amis de la ville s’étonnent. Comment, sans argent, ai-je pu me créer une vie libre à la campagne ? Qu’ils essaient ; rien de plus simple ; il suffit de n’avoir pas besoin d’argent. Ceux qui en ont, l’ignorent.

Pour vivre, j’élève des poules : deux cents. Il ne suffit pas d’avoir quelque part des poules, puis d’attendre qu’elles pondent. Des poules, ça mange et ça fait le contraire. Il faut des soins : je les donne. Ce n’est pas plus bête que de se tuer, dans un bureau, pour un patron dont on se fiche.

En ville, j’étais un homme toujours en colère. Ici, il arrive que je chante. Ma femme, qui m’entend, est heureuse. Les premiers jours, elle avait quelquefois les yeux rouges. Elle disait :

— C’est le soleil.

Nous étions pourtant en hiver.

Maintenant elle a pris l’habitude. Elle se dévoue et le sait. Elle aime la campagne parce que la campagne me fait du bien. Plus jamais, elle ne voudrait retourner en ville. Elle le