Page:Bainville - Bismarck.djvu/135

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tout le temps que j’ai collaboré avec lui et ses amis, non seulement je n’ai pas dissimulé, mais j’ai tenu à constater la différence d’opinions qui nous séparait. MM. Thiers et de Rémusat m’ont accepté ainsi. Je me suis cru le droit d’écrire plusieurs fois à tous les deux… pour leur signaler nos dissentiments, et j’ai fait beaucoup d’efforts pour les ramener vers les conservateurs[1].

Vieillard infatué et entêté, Thiers ne convenait pas qu’il pût jamais avoir tort. Il prétendait que sa méthode était la meilleure et qu’il avait toujours agi pour le bien du pays. Il affirmait que sa politique était la seule qui fût vraiment conservatrice et capable de barrer la route aux partis avancés. C’est ainsi que, répondant aux observations et aux avertissements de M. de Gontaut-Biron, il lui écrivait sur ce ton d’assurance, de persiflage et de contentement de soi-même :

Il y a à Paris de vieilles femmes bien connues qui écrivent à Berlin des indignités dont elles ignorent la portée et qu’on a la faiblesse de croire. Soyez convaincu (et vous savez que je vous ai toujours dit les choses telles qu’elles étaient) que M. Gambetta n’est pas plus vraisemblable que M. Ledru-Rollin, à qui personne ne pense plus : il n’y a aucune chance en ce moment que je sois remplacé par lui, fussé-je mort, ce que je ne suis pas ; qu’en tous cas, les prétendus rouges ne veulent plus se servir de leurs fusils qu’on leur a ôtés et qu’ils aiment mieux recourir à leur carte d’électeur, et, par ce moyen même, ils ne triompheraient pas. Ils auront une minorité plus ou moins forte, et ce sont les légitimistes qui feront cette minorité un peu plus forte, si elle le devient. La tranquillité est et restera profonde.

  1. Mon ambassade en Allemagne, p. 231-233.