Page:Bainville - Bismarck.djvu/192

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désastres de 1870 sont venus de ce qu’il n’avait pas assez écouté Havin, Guéroult et Jules Favre. Nous avions essuyé des revers sans exemple, des milliers de Français étaient tombés sur les champs de bataille, l’ennemi avait ravagé notre territoire, nous avions perdu deux provinces et payé une indemnité sans précédent, un adversaire tout-puissant nous menaçait : et tout cela était venu en châtiment d’erreurs éclatantes, dont on suit la trace dans l’histoire, dont les hommes clairvoyants annonçaient l’issue fatale. Aucune de ces leçons n’a prévalu contre cette illusion enracinée, contre cette sorte de foi religieuse et irrationnelle qu’inspirent les idées de la Révolution. Des hommes ont cru, d’autres croient encore, contre l’évidence, que tous nos désastres eussent été évités par une observation franche, loyale, intégrale du principe des nationalités. On croyait et on enseignait qu’en donnant Rome à la maison de Savoie, en plus de Venise et des Deux-Siciles, qu’en invitant la Prusse à faire l’unité complète après l’avoir laissée battre l’Autriche et les États du Sud par une neutralité inexpiable, et dont les suites ont fait verser dix fois plus de sang français qu’une opportune intervention, on croyait et on enseignait que, par ces désintéressements sublimés, nous eussions échappé à la défaite et à la spoliation. Cela se trouve entre les lignes des papiers de Napoléon, en toutes lettres dans les historiens républicains[1], et M. Ollivier réconcilie sur ce

  1. Voir les Appendices II et III.