Page:Bainville - Bismarck.djvu/196

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l’idéal de fraternité européenne ait, à ce moment-là résisté au démenti que lui infligea la politique prussienne. Plus entêté dans l’illusion que Jules Simon et Victor Hugo eux-mêmes, il se refusait à voir et à comprendre les intentions et la méthode de Bismarck.

Rothan, ce diplomate clairvoyant et ce juste historien, définit bien les mobiles de la funeste politique de Napoléon III quand il écrit :

Napoléon III poursuivait le rêve d’une fédération des peuples, croyant que l’Europe, satisfaite et subjuguée par sa modération et sa sagesse, ne contesterait plus sa suprématie. Il se berçait de l’illusion qu’en face de la solidarité croissante des intérêts économiques, les contestations internationales se régleraient par voie d’arbitrages et que, par de sages compromis conciliant les droits des souverains avec les légitimes aspirations des peuples, on arriverait à la pacification générale

Tel était, en effet, le rêve de Napoléon III. Et, pas plus que le coup de tonnerre de Sadowa, la foudre de Sedan ne l’en avait pu tirer. Battu, détrôné, prisonnier de ses ennemis, il continuait de nourrir dans son cœur la religion du droit des peuples. Il se persuadait que le rôle magnifique de protecteur de toutes les nationalités était destiné à passer, de ses mains à celles du nouvel empereur, celui d’Allemagne. Et cette perspective le consolait presque de ses malheurs. L’idée qu’un monarque fût fait pour travailler dans l’intérêt de son peuple était si loin de sa pensée qu’il se figurait naturellement que Guillaume Ier allait profiter de sa victoire