Page:Bainville - Bismarck.djvu/198

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une paix qui, au lieu de laisser comme trace de son passage la ruine, le désespoir et l’anarchie, fasse reconnaître la grandeur de son caractère et la profondeur de ses vues politiques.

Il va sans dire que ces considérations sentimentales n’eurent aucune prise sur Guillaume Ier et sur Bismarck, et que la mission de Mme de Mercy-Argenteau échoua complètement. Loin d’être aux yeux de Bismarck « un joug mesquin », la nécessité servait de régulateur à sa politique. Mais Napoléon III était incapable d’entrer dans les conceptions bismarkiennes. Il continuait, après Sedan, d’être dupe autant qu’à Biarritz. Comme le prouve une autre lettre, adressée toujours à la même correspondante et datée du 2 mars 1871, il se refusait à croire que l’intention de l’Allemagne nouvelle, cette Allemagne dont il avait encouragé, favorisé l’unification, fût de voir « le travail de la France arrêté pour bien des années et trente-huit millions d’hommes livrés à l’anarchie ». Il ne comprenait pas que l’empereur et roi ne s’appliquât pas au bonheur de la France autant qu’à la prospérité de l’Allemagne ; qu’il voulût fonder la puissance de l’une sur l’abaissement de l’autre, et qu’il ne préférât pas obtenir par une « grande politique », c’est-à-dire par une politique désintéressée, une gloire plus « grande que celle qu’il acquerrait par la possession de Metz et de Strasbourg. »

Il existe, à ces lettres qui achèvent si curieusement la physionomie de Napoléon III, un complément qui n’est pas moins éloquent qu’elles-mêmes.