Page:Bainville - Bismarck.djvu/280

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royale instituée sous ses auspices avant la nôtre. Ce grand homme ne s’en servit pas lui-même et pour aucun usage important. C’est au contraire en français qu’il exposa ses plus belles découvertes physiques et géométriques, qu’il traita les sujets de la plus profonde philosophie et publia ses admirables écrits qui ont rempli la terre de la célébrité de son nom.


Ainsi s’exprimaient en 1784 à Berlin des savants de langue allemande. C’est sous l’invocation de Leibnitz qu’ils se plaçaient avec raison. Leibnitz avait prévu le mal, dont souffre aujourd’hui le monde scientifique, de la multiplication des langues. Il savait que, dès que l’usage du latin cesserait d’être universel, la science et avec elle la civilisation courraient les plus grands dangers. Il considérait comme une régression de l’esprit humain que chacun exprimât dans sa langue les vérités d’ordre général et d’utilité universelle. C’est pourquoi il voulait qu’à défaut du latin le français fût adopté par tout le monde savant. Si son exemple avait prévalu, si l’état d’esprit des Schwab et des Mérian (qui était, d’ailleurs, celui du grand Frédéric, lequel ignorait presque l’allemand), si cet état d’esprit avait duré, les savants d’aujourd’hui n’en seraient pas à inventer le pauvre idiome nommé Esperanto.

Mais cet état d’esprit ne dura pas. Un demi-siècle après le concours de l’Académie de Berlin, notre langue était honnie en Allemagne. On trouve dans les Parerga et Paralipomena, dont une partie touchant les choses du style et du langage a été traduite par M. Dietrich, une page violente