Page:Bainville - Bismarck.djvu/91

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et les idées de l’empereur grandissait. L'empereur revenait à la politique de l’ordre européen, à l’idée de la solidarité de tous les pouvoirs, Il estimait que Bismarck, en favorisant les éléments démocratiques de France, suivait une politique imprudente et, en même temps, déshonorait et compromettait son souverain. Qui avait pu déterminer ce renversement d’idées chez le vieux monarque ? Bismarck ne se l'était pas demandé longtemps : c’était l’ambassadeur de France à Berlin, c’était M. de Gontaut-Biron.

L’heure était grave pour Bismarck : les particularistes devenaient de plus en plus entreprenants en Bavière[1]. L’Espagne était agitée par le carlisme, Un puissant mouvement catholique et conservateur

  1. Les Mémoires reproduisent un rapport de Hohenlohe, daté du 10 février 1875, sur le succès des ultramontains en Bavière, son retentissement à l’extérieur et son importance pour la politique de l’Empire. Ce passage-ci est particulièrement significatif : « Considérant la durée incertaine de la paix européenne Votre Excellence estimera que l’éventualité d’un ministère ultramontain en Bavière doit être un sujet de préoccupation. Il n’est pas douteux qu’un gouvernement hostile à l’Empire s’appliquera à coaliser tous les éléments particularistes qui existent actuellement à l’état dispersé en Bavière et hors de Bavière, pour les utiliser, à une heure grave, comme une force organisée, capable de soutenir les ennemis de l’Empire à l’extérieur ou tout au moins de paralyser le mouvement patriotique allemand. Il est dans la nature des choses que la diplomatie des États moyens s’efforce de reprendre le rang de facteur politique international. » (Denkwürdigkeiten, II, p. 146.) À rappocher l’incident soulevé par Perglas, représentant de la Bavière à Berlin, le 24 avril 1873, et que rapporte Hohenlohe : « Il y a eu à la cour plénière un incident très vif… Bismarck a saisi l’occasion de faire une scène à Perglas. Celui-ci a eu la maladresse de se placer non pas parmi les membres du conseil fédéral, mais dans les rangs du corps diplomatique. Bismarck lui en fit reproche et tout d’un coup, parlant français, lui dit : « Puisque vous êtes membre du corps diplomatique, je dois parler avec vous la langue diplomatique. » Il paraît que Perglas pâlit affreusement. « Il me semble que la situation est devenue intenable pour lui ici. » (Denkwürdigkeiten, II, 0. 98.)