Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/127

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séparant de Thiers et des parlementaires, laissant la basse politique des partis, devait dès lors travailler avec Louis-Philippe à réparer le mal qu’il avait causé. Il fut le Molé de la seconde partie du règne. Et il est juste de dire aussi que le duc de Broglie, un des premiers, avait entendu la sévère leçon donnée par l’Europe, renoncé à son intransigeance doctrinaire et aidé le roi à conjurer le péril.

Tout était à refaire pour rendre à la France sa véritable politique nationale, la politique de sa sécurité et de ses intérêts. Grâce à Louis-Philippe encore, aidé des collaborateurs nouveaux que l’expérience avait formés, les fils rompus furent renoués avec art. Premier stade : l’alliance des temps de crise, l’alliance anglaise. Second stade : brillante rentrée dans la politique traditionnelle, dans la politique bourbonienne, par les mariages espagnols. Troisième stade : entente avec Metternich pour prévenir les troubles et les révolutions qui s’annonçaient dans l’Europe centrale et qui menaçaient la France autant et au même titre que l’Autriche.

On a quelquefois objecté à ceux qui blâment la politique du second Empire et la politique des nationalités : comment pouvez-vous savoir si le cours de l’histoire aurait pu être changé ? Par quels moyens aurait pu être empêchée la formation de l’unité allemande ?

Il apparaît qu’il était très simple, et qu’il était suffisant, de continuer ce qui avait été combiné en 1847. À ce moment, Frédéric-Guillaume IV, abandonnant la Sainte-Alliance, laissait percer les projets de la Prusse en soutenant le mouvement libéral allemand, en convoquant les États provinciaux prussiens pour accuser sa rupture avec ce qu’on nommait l’absolutisme, en prenant enfin contre l’Autriche et les cours moyennes la direction du mouvement unitaire et national en Allemagne. C’étaient les ambitions prussiennes qui se ranimaient. Contre ces ambitions, une alliance éprouvée se reforma : celle de la France et de l’Autriche, qui avaient un intérêt égal à les arrêter et à protéger l’indépendance des États allemands de second ordre. L’entente se réalisa entre Guizot et Metternich telle qu’elle s’était nouée quatre-vingt-dix ans plus tôt entre Kaunitz et Bernis. C’était, comme en 1756, une alliance conservatrice destinée à prévenir un bouleversement de l’ancien monde,