Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/496

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docilement les édits. Par son testament, Louis XIV institua un conseil de régence dont le duc d’Orléans aurait la présidence seulement et où entreraient les Légitimés.

Ce fut la cause initiale des difficultés et des scandales qui allaient survenir. Le duc d’Orléans ne devait avoir de cesse que les Légitimités, concurrents possibles, fussent remis à leur place. Ce n’était pas tout. Il avait à redouter Philippe V qui persistait à revendiquer ses droits et qui, au cas où le jeune roi Louis XV fût mort, eût pu les faire valoir contre le duc d’Orléans. Cette situation compliquée allait peser pendant plusieurs années sur toute notre politique. En voulant borner l’autorité du Régent, Louis XIV l’avait poussé à mettre toute son activité à l’affermir.

Le premier soin de Philippe d’Orléans fut d’annuler le testament de Louis XIV et de se débarrasser du conseil de régence. C’est au Parlement qu’il demanda de lui rendre ce service. Les hauts magistrats retrouvaient un rôle politique qu’ils avaient perdu depuis plus d’un demi-siècle et auquel ils ne pensaient plus. On rappela à cette occasion que le Parlement, au temps de la Ligue, avait sauvé la monarchie en s’opposant à la candidature espagnole. On reprit aussi la maxime d’après laquelle le Parlement était faible quand le roi était fort, et fort quand le roi était faible. Flatté, il accorda à Philippe les pouvoirs d’un véritable régent et le testament de Louis XIV resta lettre morte. En échange, le droit de remontrances fut reconnu aux Parlements. Ils ne tarderont pas à abuser de l’importance qui leur était rendue.

L’opération n’était pas bonne puisque le pouvoir, en cherchant à se fortifier d’un côté, s’affaiblissait de l’autre. Mais ce ne fut pas le seul prix dont le duc d’Orléans paya la régence. Il chercha la popularité à la façon d’un candidat qui craignait des rivaux. Ayant des amis à récompenser et des partisans à gagner, il créa sept conseils de dix membres chacun chargés de ce qui correspond aux affaires d’un département ministériel. Les secrétaires d’État étaient remplacés par de petites assemblées, selon un système que Saint-Simon recommanda et qui avait été mis en circulation quelques années plus tôt par l’entourage du duc de Bourgogne sous l’influence de Fénelon ; le Régent ordonna même que le Télémaque fût imprimé, pour