Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/624

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Sur le Rhin, pouvait-on du moins signer la paix des frontières naturelles ? Mais la question se posait dans les mêmes termes que sous la Révolution. Si la Prusse révélait enfin qu’elle était contre nous la plus acharnée des puissances allemandes, l’Angleterre ne voulait pas céder que nous n’eussions renoncé à Anvers. L’enjeu de cette guerre de plus de vingt ans était toujours là. Or, la Hollande venait de se soulever contre la domination française. La Belgique était lasse de la conscription, des impôts, et, chez elle aussi, un vieux et indomptable sentiment national se réveillait. Renseigné sur l’état de la France, le gouvernement britannique en connaissait l’épuisement. Il savait que tout avait été organisé pour la conquête et rien pour la défense, que la supériorité numérique des coalisés était considérable et qu’à l’intérieur aussi l’Empire napoléonien chancelait. Sa détermination d’en finir fut d’un plus grand poids que la haine de la Prusse, et c’est pourquoi les pourparlers qui eurent lieu avant l’entrée des Alliés à Paris n’étaient pas sincères. Depuis 1793, il était écrit que, si l’Angleterre n’était pas vaincue, la France n’aurait la paix qu’en retournant à ses anciennes limites. Quant à Napoléon lui-même, qui mieux que lui se rendait compte qu’il était, autant que la Convention et le Directoire, prisonnier de la guerre et des conquêtes ? Ces conquêtes, il devait les défendre jusqu’au bout ou tomber avec elles, comme fût tombée la Révolution. La nature même de son pouvoir, les conditions dans lesquelles il l’avait reçu, lui interdisaient cette paix honorable et politique, qu’on lui reproche bien vainement de n’avoir jamais conclue : d’abord les Alliés n’en voulaient pas, tout en s’y prenant de manière à laisser croire aux Français que seule l’ambition insensée de leur empereur les empêchait de l’avoir ; ensuite nul gouvernement d’origine révolutionnaire ne pouvait accepter les anciennes limites. « Au point où les choses en sont venues, disait alors Napoléon, il n’y a qu’un Bourbon qui puisse me succéder. »

Toutefois les Bourbons lui succédèrent pour une autre cause. En 1814, les Alliés avaient envahi la France et ils ne s’entendaient pas encore sur le gouvernement qu’ils préféraient pour elle. Pas plus qu’autrefois, ce n’était pour y rétablir la monarchie qu’ils lui avaient fait la guerre. L’empereur d’Au-