Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/659

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même, Louis-Philippe tint bon pour la paix, sachant que l’Angleterre ne lui permettrait pas plus qu’elle ne l’avait permis à la Révolution et à Napoléon Ier de reprendre la politique des conquêtes. Bravant l’impopularité, il s’interposa, désapprouva le langage belliqueux de Thiers, et, au mois d’octobre, l’obligea à se démettre.

Le service que le roi avait rendu au pays, le deuxième après la fondation de l’indépendance belge, le découvrait davantage, l’exposait plus que jamais au reproche d’humilier la nation. Ce que Louis-Philippe lui avait épargné, c’était pourtant une guerre continentale doublée d’une guerre maritime où le désastre était certain. Méprisé, insulté, Louis-Philippe n’eût même pas obtenu l’appui de la Chambre si quelques hommes plus clairvoyants que les autres et qui avaient compris le péril auquel la France venait d’échapper n’avaient, avec Guizot pris de remords, renoncé à leur opposition. Désormais, et pendant les années qui restaient à la monarchie de Juillet avant de succomber, c’est avec Guizot, résolu à réparer le mal qu’il avait fait, que Louis-Philippe gouverna. Dans la Chambre même, le roi et son ministre furent soutenus par une majorité qui ne dépassa jamais cent voix. L’opposition que rencontra leur politique extérieure, fondée sur « l’entente cordiale » avec l’Angleterre, fut d’un acharnement, d’une mauvaise foi qui aujourd’hui nous confondent. Guizot, qui connaissait les Anglais, qui avait été ambassadeur à Londres, définissait l’entente cordiale : « l’indépendance dans la bonne intelligence ». On ne lui pardonnait pas l’entente cordiale. Tout incident, qu’il s’agît du droit de visite ou de l’affaire Pritchard (un missionnaire anglais expulsé de Tahiti et pour lequel l’Angleterre réclamait une indemnité), donnait lieu aux accusations les plus véhémentes. L’affaire Pritchard excita l’opinion à un degré incroyable : en 1844, on fut à deux doigts d’une guerre franco-anglaise « pour la reine Pomaré ». C’était l’année même où, poursuivant la conquête de l’Algérie, le maréchal Bugeaud battait à l’Isly les Marocains venus au secours d’Abd el-Kader, l’année où notre escadre bombardait Tanger. Une querelle coloniale en Océanie eût été absurde lorsque l’Angleterre était toujours hostile à notre établissement dans l’Afrique du Nord. Pour la première fois, le public