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CHAPITRE IV

LA RÉVOLUTION ET L’EMPIRE PRÉPARENT L’UNITÉ ALLEMANDE


À force de regarder la Révolution tantôt comme le principe suprême du bien et tantôt comme le principe suprême du mal, tantôt comme une régénération complète de la société, comme l’avènement d’une ère nouvelle dans l’histoire des hommes, et tantôt, à l’opposé, comme une œuvre de l’enfer, on a fini par répandre l’illusion que la date de 1789 avait, par le pouvoir d’une baguette magique, marqué une séparation complète entre deux époques. On a pris l’habitude de considérer qu’entre l’ancien régime et le régime révolutionnaire il n’y avait pas eu de communication, qu’un brusque coup de théâtre avait subitement fait paraître des idées, des situations et des hommes entièrement inconnus. Cette vision puérile, qui a longtemps dominé en France, a rendu inintelligibles la plupart des circonstances de la Révolution et le cours que cette révolution a suivi.

L’histoire ne connaît pas la parthénogénèse, et la continuité est sa grande loi. Par sa complexité même, par la masse des éléments qu’elle meut, la politique est comme la nature : elle ne procède pas par bonds. La prise de la Bastille, qui apparut dans la suite comme un symbole et n’avait été que l’entreprise de quelques émeutiers peu recommandables, n’avait détourné ni Louis XVI d’aller à la chasse ni les Parisiens d’aller au spectacle ce jour-là. Elle n’avait pas davantage empêché les événements de suivre leur cours dans le reste du monde, ni fait table rase en Europe. Si l’on regarde la Révolution non plus en elle-même, non plus comme une apparition messianique ou comme un monstre de l’Apocalypse, mais dans ses rapports