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Introduction

élèves sont plus libres, le maître ne peut s’en occuper personnellement ; ils peuvent apprendre ce qu’ils veulent quand ils veulent ; 2) à cinquante, l’ambiance est chaude, on peut chahuter, « la socialisation de la jeunesse est donc plus rapide » ; 3) l’enseignant craque forcément au bout d’un temps plus ou moins long. Il part en congé maladie. Un remplaçant est recruté. Avantages : un malade en plus (donc amortissement plus rapide des cliniques de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale), un chômeur en moins.

Nous avons pris une autre voie que le gai sabotage, passant comme des oiseaux au-dessus des lignes Maginot de l’éducation surveillée. (Pléonasme : toute éducation est surveillée.)

Je reviendrai à loisir sur cette si fameuse responsabilité que j’aurais prise en ne te scolarisant pas. Car on ne m’envoie pas dire que j’abuse de mon pouvoir. Il sera donc beaucoup question dans ces pages d’autorité, d’adultes et d’enfants.

Le drame, chérie, c’est que je ne sais pas ce qu’est un enfant. La grande différence que je vois entre ce qu’on appelle un adulte et un enfant, c’est que le premier, dans l’ordre des probabilités, est plus près de la mort.

Il s’ensuit que je ne rejette pas seulement l’école mais aussi l’éducation (et a fortiori toute pédagogie), si ce n’est l’éducation réciproque qui a cours entre toutes personnes égales amenées à se fréquenter ; mais utilisera-t-on alors ce mot ?

Avant toutes choses, nous garderons donc bien à l’esprit que nous ne pouvons entendre quiconque parler d’éducation sans préalablement l’interroger sur la conception qu’il se fait de l’enfance. C’est ici que se noue la grande affaire.

Quant à moi, je n’emploierai les mots « adulte » ou « enfant » que pour désigner des personnes plus ou moins éloignées de leur naissance (douées éventuellement des caractéristiques socioculturelles que leur impose l’entourage).

Il ne t’a pas fallu douze ans pour comprendre qu’ordinairement qui dit enfant dit « futur adulte » : l’enfant n’est rien dans son présent qu’un devenir. On admet alors sans peine que c’est par la force qu’il faille préparer un être au servage huit heures par jour (sept heures et demi si on croit aux lendemains qui…), cinq jours par semaine, onze mois par an et quarante ans de sa vie. Bien sûr, on a dit sur tous les tons une vérité très simple : qu’il était nécessaire de créer et de produire pour se