Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

désastreuse que celle qui consiste à se laisser désagréger par l’impression de vide ressentie dans les travaux scolaires.

Les gens engourdis par l’ennui ne peuvent que devenir idiots.

Contre lui, une seule solution, la fuite. L’absentéisme reste LA réponse adéquate de qui veut échapper au massacre. N’est sauvé que celui, de la maternelle à Polytechnique, qui se sauve, qui s’échappe. L’absentéisme en commun s’appelle parfois une grève, mais, aussi bien chez les élèves que chez les enseignants, celle-ci n’aurait d’intérêt qu’illimitée.

Il arrive aussi que la colère l’emporte. Autant les colères organisées par les militants sont misérables, autant de vraies grandes fureurs spontanées, même collectives, peuvent avoir de la gueule.

L’une d’entre elles vaut la peine d’être remise en mémoire. Les résistances au système scolaire sont monnaie courante, mais quel trésor que de voir de loin en loin des élèves qui pensent leur insubordination et nous laissent une réflexion écrite en héritage !

J’ai précieusement gardé celle des dix-sept élèves du lycée agricole de Brie-Comte-Robert, en Seine-et-Marne, qui, en mai 1974, furent traduits en conseil de discipline et lurent chacun le texte que voici. Ces élèves étaient accusés de « vandalisme » ; les faits qu’on leur reprochait ressemblaient beaucoup à des actes de sabotage (détérioration des machines). Lors de ce conseil de discipline, six élèves sur dix-sept furent exclus de l’établissement. C’est alors que pendant trois semaines eut lieu un « saccage » mémorable. Aucune revendication. La destruction exprimant seule l’indignation absolue. Le lycée fut fermé. Y a-t-il quelqu’un qui me soutiendra qu’ils y ont peut-être perdu quelque chose ?

Voici le texte lu par chacun des rebelles. Je n’en partage pas toutes les idées, loin de là, mais j’estime que les élèves qui l’ont écrit ont compris pas mal de choses :

« Je vous remercie de me demander mon avis.

« J’espère que vous serez à même d’en tenir compte.

« J’ai bon espoir qu’il concorde tellement avec celui de mes camarades également mis en cause que cela prenne enfin un sens.

« Je reconnais en effet, en gros, les griefs qui ont été énoncés sur ma personne et qui font que je suis ici ; je les accepte volontiers parce que, s’ils mettent effectivement ma scolarité en péril, ils sont aussi susceptibles de dénoncer enfin la nature de leurs causes véritables.