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CONTRE LA TRÈS MANIFESTE INJUSTICE DE L’ÉCOLE


Marie chérie, j’ai l’honneur de t’informer que, sciemment, je te gaspille. D’après le service des études informatiques et statistiques du ministère de l’Éducation nationale, tu as en effet toutes les chances de faire des études supérieures longues. C’est qu’il n’y a aucun hasard dans ce simulacre de loterie : tu es une fille, tu es fille unique, tu es française et ta mère est auteur, ce qui est assimilé aux « professions libérales ». Cela dit, je suis bien rarement imposable, n’ayant même jamais gagné le S.M.I.C. depuis des années, mais cela importe relativement peu car, certes, j’ai un « crédit de classe » et si je n’ai jamais assez d’argent pour nous payer le métro, du moins sais-je à qui emprunter des livres. Et « c’est comme si » j’avais des sous, n’est-ce pas ?

J’entends de nouveau ce chuchotement de tous ces gens qui te trouvent intelligente : « C’est vraiment donner de l’avoine aux cochons. »

On me reproche d’avoir accouché d’un capital et de ne pas le placer. Toutes les femmes n’accouchent pas d’un capital, tant s’en faut. Si j’étais en usine, on considérerait que je n’ai en toi qu’un modeste avoir ; tout ce qu’on me demanderait serait de le gérer à l’économie au jour le jour. C’est ça la vie, ma gamine.


L’école est injuste. Ce n’est certainement pas la raison de mon refus de t’y engager (je n’ai pas tellement l’esprit de sacrifice et je ne t’immolerai pas plus sur l’autel de la justice que sur celui de la république, ces