Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/78

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Et je t’aurais envoyée dans cette galère ?  !

Je ne t’ai jamais punie. Ce qui ne m’a pas empêchée de piquer quelques colères et j’éprouverais sans doute aussi de la colère si je me faisais agresser par un quidam. Mais te punir ? Punir un agresseur (ou charger la « Justice » de faire ce sale boulot) ? Quelle absurdité ! Au nom de quoi ? Mais surtout qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Pour intimider ? C’est-à-dire, au sens littéral, pour faire peur ? Comment ne vit-on pas alors dans la crainte de récolter la violence qu’on aurait semée ? Toute punition n’est qu’une vengeance, une très basse vengeance.

Dans certains foyers, à l’école, au tribunal, on ne se préoccupe pas des conséquences de la haine qu’on accumule. On punit pour montrer qui est le plus fort. La loi, c’est la force. Rompez !

Strictement rien de rationnel là-dedans ; et comme ce prof de philo viré de l’Éducation nationale, dont j’ai déjà parlé, qu’on avait accusé de « critiquer toute punition », je dirai qu’ « en effet, elle est inexcusable quels qu’en soient les motifs ».

Il y a aussi les adultes qui ne punissent pas mais qui menacent sans cesse : « Encore un peu et tu vas voir. » Tu vas voir quoi ? On m’aurait fait ce coup-là que certainement j’aurais voulu mesurer la distance de la menace à son exécution. La menace est toujours en soi une forme de répression ; elle perturbe, elle énerve.

En classe, la moindre interrogation est chargée d’un tas de sous-entendus. « Vous avez fait seule cette dissertation ? » peut être l’expression d’une admiration mais plus vraisemblablement d’une suspicion, d’un sarcasme. « Dites-moi, mon petit, vous me semblez bien ailleurs en ce moment ! » Est-ce que le ton était amical ou acerbe ? Et le gamin va s’interroger là-dessus la journée entière. Tout compte dans l’évaluation que ces gens qui ne vous connaissent pas font de vous. À l’école, le danger est présent en tout adulte ; du concierge au directeur, tous sont payés pour faire les flics. Même le parent le moins gendarme est embrigadé dans des histoires de contrôle et de signatures.

Si un régime autoritaire décrétait que désormais nos activités devaient être déposées par écrit et contresignées par le mari ou la voisine ou la préfecture, quelques-uns hurleraient au fascisme, mais que les enfants doivent montrer à leurs parents leur « carnet de notes » ne gêne personne. Si tu décidais d’aller au lycée, jamais, au grand jamais, je n’accepterais d’apposer ma signature au bas d’un rapport de cette espèce,