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CONTRE L’OPPRESSION DES ADULTES SUR LES ENFANTS


L’enfant est la propriété de l’adulte. C’est sa petite chose. Il peut en faire absolument ce qu’il veut (sauf le soustraire à l’emprise de l’État qui demeure le Grand Propriétaire). Cela va malgré tout si peu de soi que les grands ont été amenés à créer la notion d’enfance, notion à peu près vide de sens dont l’affirmation formelle recouvre cependant le statut bien particulier que les vieux veulent donner à ces êtres qu’ils mettent à part pour leur plaisir ou leurs intérêts divers.

Historiquement, l’idée d’enfance n’a qu’à peine cent cinquante ans. Mais même Philippe Ariès, dans son livre sur le sujet[1], comme la plupart de ceux qui reconnaissent que l’enfance est une création de l’esprit et non une donnée de fait comme par exemple la jeunesse, ne parle du petit d’homme que par référence à l’adulte : l’enfant est, au mieux, un adulte miniature. Lorsque je dis que l’enfant n’existe pas, comprends-moi bien. Assurément l’enfant est aussi mûr, aussi intelligent, aussi « sensé » que l’adulte et je récuse toute différence de valeur entre les âges. Cependant, moi aussi je parle d’enfance et je soutiens même que chaque enfant et chaque adulte ont le même droit de vivre leur « esprit d’enfance », si l’on veut bien par cette expression signifier une vision du monde non traumatisée par l’accumulation de jours sans émerveillement.

Lorsque j’utilise le mot « enfant », je parle de quelqu’un qui est dans toute sa jeunesse et je ne l’oppose à l’adulte que dans le sens où celui-ci n’a

  1. L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, op. cit.