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Introduction

de la harangue ni du prosélytisme. Pourquoi alors mettent-ils flamberge au vent ? Coûte que coûte, les adultes veulent faire l’école aux gamins. Pourquoi ? Pourquoi cette angoisse réelle des parents par rapport aux apprentissages scolaires ? On a quasiment l’impression d’une névrose collective. Il y a là un traumatisme à rechercher. Un traumatisme qui remonte forcément au temps de l’école…

Ne sommes-nous pas toutes et tous à même enseigne selon ce vieux Freud qui disait à une mère anxieuse : « Ne vous inquiétez pas, chère madame, quoi que vous fassiez, ce sera mal » ? Ce sera… Mais pour le moment, soyons bonnes vivantes. Le présent nous appartient.

L’une des plus grandes joies, peut-être la plus grande, que m’ait données mon refus du service scolaire, c’est de m’avoir honorée de l’intelligence de nos alliés. Car certaines et certains, très très rares, nous ont soutenues. D’autres, qui ne comprenaient pas, nous ont fait confiance « malgré tout » et jamais ne nous ont trahies quelles que fussent leurs craintes.

Si je parle donc des gens « en général », c’est pour brosser le contexte d’où émerge le particulier. Car dans ces pages il sera question de nos amis connus ou inconnus, individus solitaires.

Mais il me faut d’abord t’assommer avec des considérations dont tu ne vois sans doute pas vraiment l’intérêt ; c’est qu’avant de commencer, nous devons bien nous entendre sur quelques mots. J’essaie de limiter les malentendus. Car c’est publiquement que je m’adresse à toi. Autant il est vrai que c’est en pensant à nous, à nous seulement, avec le meilleur égoïsme possible, que je t’ai évité l’école, autant je sais quelles conséquences en découlent dans mes rapports à la société. Et c’est librement que je descends dans la fosse affronter les serpents.

Des lycéens, en avril 1975, avaient sorti un tract sous forme d’un détournement de Libération. Cette lecture fut un grand plaisir et tu ne t’étonneras pas de mon bonheur quand je trouvai en première page un appel à s’attaquer à la prison de la Santé « comme symbole d’une société que l’on refuse ». Tu sais que ma lutte contre ton enfermement à l’école est bien la même que celle qui fait de moi une abolitionniste absolue ; je refuse la prison comme je ne reconnais à personne le droit de sanctionner quiconque. Jugements et diplômes sont des dénis de justice, a priori. On n’a pas le droit d’enfermer des hommes ni entre des murs ni entre des idées. (Ce nom que je n’ose prononcer, je veux bien qu’il te soit murmuré dans ce chant qui me revient, de Jacques Bertin : « […] ce mot liberté […] dites ce mot à mi-voix dites-le dites-le mais très bas douloureusement