Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous voici très exactement au cœur de mon refus. En « protégeant l’école » ou toute forme de pédagogie, l’adulte a le sentiment de « protéger l’enfant contre lui-même ». Cette imposture n’a qu’un but : faire en sorte que l’enfant devienne un membre de cette société (quelle qu’elle soit) et non lui-même.

On a corrigé les enfants tant et plus. Par la fessée, le fouet, le jeûne, les corsets, la prison. On les a contraints, par tous les moyens possibles, à entrer dans le moule. Je ne me fais pas d’illusions et, comme Neill, j’admets que le besoin d’approbation est un besoin humain profond. Dans le souci de plaire des enfants entre un élément qui « remplace avantageusement la crainte », comme disent les parents modernes. Les mioches ont envie, n’en doutons aucunement, de répondre à ce qu’on attend d’eux. On n’est pas toujours obligé d’user de violence pour les faire se plier aux règles. La douceur parvient aux mêmes résultats. L’essentiel restant l’acquisition, de gré ou de force, d’automatismes sociaux.

Imagine un peu que les enfants n’en fassent qu’à leur tête ! Où irions-nous ?

La phrase que j’ai sans doute entendue le plus souvent depuis ta naissance, c’est vraisemblablement : « Mais enfin, un jour ou l’autre il faudra bien qu’elle apprenne à obéir ! » L’obéissance est une vertu. On mesure les qualités de tout responsable à la faculté qu’il a de « savoir se faire obéir ». On parlait beaucoup de pouvoirs et de la lutte à mener contre eux, il y a quelques années. J’étais toujours très ulcérée de cette bagarre contre les autorités en place qui ne pouvait que viser à les remplacer. La seule lutte profondément utile à mener, ce n’est pas contre l’autorité mais contre la soumission. Là seulement, le pouvoir, quel qu’il soit, est perdant.

Pire que tout fascisme, que toute tyrannie, son acceptation (si possible malheureuse, c’est encore plus tragique). Quand je songe à Ropert, je ne sais ce qui m’écœure le plus de sa mauvaise foi ou de son spleen. C’est littéralement la mort dans l’âme qu’elle violente les enfants. Mais IL LE FAUT. Pourquoi ? Parce que c’est nécessaire. Et ce n’est pas drôle de faire souffrir les gens ! Il faut vraiment y être obligé !

Là, Marie, je veux absolument te raconter l’expérience hallucinante de Stanley Milgram[1].

Des gens, pris au hasard parmi des personnes ayant accepté de « participer à une expérience de psychologie », sont reçus dans un laboratoire.

  1. Soumission à l’autorité, Stanley Milgram, Calmann-Lévy, 1982.