Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/175

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Nous n’avons pas vocation à défendre les détenus qui en auraient pourtant bien besoin, car un conte à dormir debout voudrait que chacun d’eux le soit ou l’ait été par un avocat. (Un livre serait nécessaire pour dire ce qu’est en réalité un avocat, surtout s’il s’est spécialisé dans les affaires pénales. Certains se montrent brillants, d’autres même bons. Mais dans l’ensemble, ils sont d’une déloyauté et d’un je-m’en-foutisme vis-à-vis de leurs clients que personne ne peut se figurer à moins de grenouiller dans ce milieu. Et il en sera ainsi tant qu’un accusé devra payer pour avoir droit à une défense digne de ce nom.)

C’est en notre nom à tous qu’est infligée une peine. À chacun de nous de se demander s’il pense qu’il est bon de faire souffrir quelqu’un sous le seul prétexte qu’on lui a donné tort d’avoir lui aussi causé de la souffrance. Certains rétorqueront : « Personnellement je n’ai aucun intérêt à réclamer un châtiment pour quelqu’un qui ne m’a pas nui, mais il s’agit des intérêts de la Société ». D’un point de vue éthique, quelle différence y a-t-il entre le mal commis dans l’intérêt de ladite Société et celui commis dans le sien propre ?

Même si l’on se réfère à l’aspect social de la question, nous avons vu que la prison était inutile puisque les délinquants en sortaient tout aussi délinquants. Elle est surtout doublement dangereuse : quand ils se retrouvent dehors, les anciens taulards, après avoir ingurgité les innommables humiliations dont nous avons à peine parlé, débordent de haine et ont hâte de se venger ; mais aussi tout le monde fait comme si la prison réglait cette fameuse question de la délinquance, elle aveugle ainsi les consciences, empêche qu’on réfléchisse à une solution. La prison n’est qu’une palissade derrière laquelle on cache l’inanité de la réponse.

Mais enfin par quoi voulez-vous la remplacer ? Par rien.

Comment traiter le problème de la délinquance ? Je ne sais pas. Si un groupe quelconque avait décidé de le résoudre en peignant les arbres en rouge, quel risque courrions-nous quelque temps plus tard à reconnaître que ça ne sert à rien ? Emprisonner des gens ou peindre des arbres en rouge, c’est pareil. On arrête les sottises et l’on réfléchit pour de bon.