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Il n’est sans doute pas possible de supprimer le châtiment quelles que soient les sociétés présentes et à venir. Et alors ? Parce qu’il faut mourir, doit-on cajoler la mort ? Ne pouvons-nous lutter contre elle ? Ce n’est pas un combat de militants. Ce n’est pas non plus une « vue de l’esprit ». C’est une opposition farouche qui s’inscrit très concrètement dans les choix que nous opérons, dans notre manière d’appréhender les rapports entre les individus.

Le contrôle social visant les classes dangereuses va s’accroître, s’aggraver, devenir intolérable. Privés de leur indépendance, les hommes s’insurgent tôt ou tard ; la délinquance est une manifestation sans banderole et rien ne nous invite à imaginer un proche apaisement. Donc on punira.

On a toujours puni comme on a toujours violé et toujours tué. Et par le même mouvement : qui a le pouvoir sur autrui a le plus grand mal à n’en pas user.

Le délinquant, tout « accidentel » qu’il soit, n’en est pas moins considéré comme un ennemi. Ennemi du bien commun, c’est en tant que vaincu qu’il subira une peine. Cela dit, on a vu des insoumis risquer la cour martiale plutôt que de tirer sur l’ennemi, et un blasphémateur qui ne perdait rien pour attendre refuser de lapider une femme adultère. Peut-être que dans les pays où se pratique la mise à mort par lapidation, un musulman de loin en loin fait de même. « Je le souhaite plus que je ne l’espère. »[1]


Les prisons vont-elles disparaître ? À cette question Louk Hulsman répondait (je résume ici ses propos) : « Je ne suis pas aveugle, je n’ai plus le même espoir que dans les années 60 où des choses que l’on croyait immuables avaient changé profondément, comme le poids de l’Église catholique sur les mentalités aux Pays-Bas par exemple. Je ne sais si le système pénal peut s’effondrer. Ce que je sais, c’est qu’effectivement les systèmes peuvent s’effondrer, on l’a encore vu avec le système soviétique.

  1. Dernière phrase de L’Utopie de saint Thomas More, décapité en 1535.