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Le deuxième argument des défenseurs de l’incarcération est celui de la sécurité ; ceux-là ne croient pas à l’utilité d’une punition et n’ont pas plus envie que ça de rendre le mal pour le mal. Ils se veulent pratiques et rejoignent les théoriciens sociétaires-réalistes évoqués dans le premier chapitre : on met les délinquants en prison pour s’en protéger (et certains vont même jusqu’à penser que ce n’en serait que mieux si la prison était dorée).

Or la prison loupe d’un cheveu sa vocation puisqu’on en sort ; la mort qu’elle dispense n’arrache que quelques années ou quelques décennies d’une vie. L’enfermement carcéral ne va pas jusqu’au bout de sa logique d’élimination parce que la société doit bien reconnaître une échelle des peines qui corresponde à son échelle des valeurs. Le crime a d’abord une valeur monétaire : tromper sa femme n’est pas punissable par la loi alors que tromper son associé est passible des tribunaux, la légitime défense joue dans le sens police contre voleur mais non voleur contre police, tuer pour voler est plus grave que tuer par colère, le braqueur qui a volé quatre millions est plus lourdement condamné que celui qui en vole un, autant d’exemples de la valeur marchande attribuée au délit par les juges, sans parler des dommages et intérêts.

L’échelle des peines explique qu’une multitude de condamnations à quelques mois encombrent les prisons avant de devenir de bien plus longues peines par le phénomène presque « naturel », vu le contexte, des récidives.

La prison ne peut donc garder la société des malfaiteurs puisque chaque jour l’administration pénitentiaire déverse dans la rue autant de gens qu’elle en accueille. Chaque jour sortent des individus plus pauvres, plus furieux, plus désespérés et plus avilis qu’ils n’étaient entrés.

25 % des sortants de prison se retrouvent sur le trottoir de leur liberté avec moins de 15 euros sur eux. À part les jouer ou les boire, on voit assez mal ce qu’ils peuvent en faire. Et le récidiviste apparaît comme l’incarnation d’une pure perversité ? !