Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/77

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Autre billevesée du même ordre que le remords rédempteur : on pourrait en prison apprendre un métier (ou, plus coté encore, « faire des études » ). Disons tout de suite que 70 % des prisonniers ne sauraient être concernés puisqu’ils sont en maison d’arrêt. Quelques directeurs intrépides tentent au mieux d’occuper « les bons éléments ». Quand ces privilégiés ne font pas de la poterie, ils peuvent s’initier au théâtre par exemple. Des instituteurs et des étudiants se donnent même un mal fou pour un semblant d’alphabétisation ; mais en maison d’arrêt, les cohortes de condamnés défilent trop vite, on ne peut rien faire, d’autant que l’anxiété de l’attente du jugement pour ceux qui sont en préventive leur prend la tête au sens propre, sans compter le temps grignoté par l’instruction, les rencontres avec les avocats, les transferts pour les reconstitutions, etc. Quant aux condamnés à de longues peines, quelques-uns ont entrepris des études. Et c’est tellement rare que toute la presse s’en fait l’écho !!

Certains condamnés tirent parti de ce temps mort qu’est leur incarcération comme dans les camps de concentration soviétiques ou nazis on se récitait des poèmes ou des tables de multiplication quand on s’apercevait qu’on glissait dans l’idiotie. Réflexe de survie. Un sur mille.

Donc certains décident d’apprendre quelque chose ou de passer le certificat d’études ou le bac. On ne dira jamais assez à quel point c’est en se battant au jour le jour contre tous les règlements de la prison, la promiscuité, la jalousie de certains surveillants. J’ai connu quelqu’un qui, après des années d’efforts, a été transféré dans une autre région pénitentiaire l’avant-veille du jour où il devait se présenter au bac. Récidiviste, alors qu’il passait en jugement une décennie plus tard et rappelait cet accablant transfert, il eut la force de sourire lorsque le président s’étonna qu’il n’ait pas voulu se réinscrire pour le bac l’année suivante !

Non, la prison n’a jamais aidé personne à faire des études, mais certains individus, y compris, quoique rarement, des membres de l’administration pénitentiaire, oui.