Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/147

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nous serions presque tentés de dire un culte particulier, car chez tous les animaux, dans tous les êtres vivants, vous retrouverez une sorte d’adoration de la nature, mêlée de crainte et de joie, d’espérance et d’inquiétude, et qui en tant que sentiment, ressemble beaucoup à la religion humaine. L’invocation et la prière même n’y manquent pas. Considérez le chien apprivoisé, implorant une caresse, un regard de son maître ; n’est-ce pas l’image de l’homme à genoux devant son Dieu ? Ce chien ne transporte-t-il pas par son imagination et même par un commencement de réflexion, que l’expérience a développé en lui, la toute-puissance naturelle qui l’obsède, sur son maître comme l’homme croyant la transporte sur Dieu ? Quelle est donc la différence entre le sentiment religieux de l’homme et celui du chien ? Ce n’est pas même la réflexion, c’est le degré de la réflexion, ou bien la capacité de la fixer et de la concevoir comme une pensée abstraite, de la généraliser en la nommant, — la parole humaine ayant ceci de particulier, qu’incapable de nommer les choses réelles qui agissent immédiatement sur nos sens, elle n’en exprime que la notion ou la généralité abstraite ; et comme la parole et la pensée sont les deux formes distinctes, mais inséparables, d’un seul et même acte de l’humaine réflexion, cette dernière, en fixant l’objet de la terreur et de l’adoration animales ou du premier culte