Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/198

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temps aucun ne se doutait même pas, qu’il y eût quelque chose comme un droit populaire, — les peuples n’ayant jamais été considérés que comme une masse inerte et inepte, comme une sorte de chair à États, taillable et corvéable à merci, et vouée à une obéissance éternelle ; — comme il n’y avait alors absolument rien, ni en Italie, ni ailleurs, qui fût au-dessus de l’État — Machiavel en conclut avec beaucoup de logique, que l’État était le but suprême de toute humaine existence, qu’on devait le servir à tout prix, et que l’intérêt de l’État prévalant sur toutes choses, un bon patriote ne devait reculer devant aucun crime pour le servir. Il conseille le crime, il le commande et en fait une condition sine qua non de l’intelligence politique, ainsi que du vrai patriotisme. Que l’État s’appelle monarchie ou république, le crime, pour sa conservation et pour son triomphe, sera toujours nécessaire. Il changera sans doute de direction et d’objet, mais sa nature restera la même. Ce sera toujours la violation énergique, permanente de la justice, de la pitié et de l’honnêteté — pour le salut de l’État.

Oui, Machiavel a raison, nous ne pouvons pas en douter après une expérience de trois siècles et demi, ajoutée à son expérience. Oui, toute l’histoire nous le dit : tandis que les petits États ne sont vertueux que par faiblesse, les États puissants ne se soutiennent que par le crime. Seulement notre conclusion sera