Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/279

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que les individus membres d’une collectivité animale ne s’entre-dévorent pas mutuellement au besoin ; mais elle est assez forte pourtant pour que tous ces individus, oubliant leurs discordes civiles, s’unissent contre chaque intrus qui leur arriverait d’une collectivité étrangère.

Voyez les chiens d’un village par exemple. Les chiens ne forment point naturellement de république collective ; abandonnés à leurs propres instincts, ils vivent en troupeaux errants, comme les loups, et ce n’est que sous l’influence de l’homme qu’ils deviennent des animaux sédentaires. Mais une fois établis, ils constituent dans chaque village une sorte de république non communautaire, mais fondée sur la liberté individuelle, selon la formule tant aimée des économistes bourgeois : chacun pour soi et le diable attrape le dernier. C’est un laissez-faire et laissez-aller sans limite, une concurrence, une guerre civile sans merci et sans trêve, où le plus fort mord toujours le plus faible — tout à fait comme dans les républiques bourgeoises. Maintenant qu’un chien d’un village voisin vienne à passer seulement dans leur rue, et vous voyez aussitôt tous ces citoyens en discorde se ruer en masse contre le malheureux étranger.

Je le demande, n’est-ce pas la copie fidèle, ou plutôt l’original des copies qui se répètent chaque jour dans l’humaine société ? N’est-ce pas une manifes-