Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/283

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par exemple. L’Allemand, l’Anglais, le Français peuvent vivre et s’acclimater partout, tandis que l’habitant des régions polaires mourrait bientôt du mal du pays, si on l’en tenait éloigné. Et pourtant, quoi de plus misérable et de moins humain que son existence ! Ce qui prouve encore une fois que l’intensité du patriotisme naturel n’est point une preuve d’humanité, mais de bestialité.

À côté de cet élément positif du patriotisme, qui consiste dans l’attachement instinctif des individus pour le mode particulier d’existence de la collectivité dont ils sont les membres, il y a encore l’élément négatif, tout aussi essentiel que le premier et qui en est inséparable : c’est l’horreur également instinctive pour tout ce qui y est étranger — instinctive et par conséquent tout à fait bestiale ; oui, réellement bestiale, car cette horreur est d’autant plus énergique et plus invincible que celui qui l’éprouve a moins pensé et compris, est moins homme.

Aujourd’hui, on ne trouve cette horreur patriotique pour l’étranger que chez les peuples sauvages ; on la retrouve en Europe au milieu des populations à demi-sauvages que la civilisation bourgeoise n’a point daigné éclairer, — mais qu’elle n’oublie jamais d’exploiter. Il y a dans les plus grandes capitales d’Europe, à Paris même, et à Londres surtout, des rues abandonnées à une population misérable et