Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/320

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Tout autre est le point de vue des idéalistes. Dans leur système, l’homme se produit d’abord comme un être immortel et libre et il finit par devenir un esclave. Comme esprit immortel et libre, infini et complet en lui-même, il n’a pas besoin de société ; d’où il résulte que s’il se met en société, ce ne peut être que par une sorte de déchéance, ou bien parce qu’il oublie et perd la conscience de son immortalité et de sa liberté. Être contradictoire, infini à l’intérieur comme esprit, mais dépendant, défectueux et matériel au dehors, il est forcé de s’associer non en vue des besoins de son âme, mais pour la conservation de son corps. La société ne se forme donc que par une sorte de sacrifice des intérêts et de l’indépendance de l’âme aux besoins méprisables du corps. C’est une vraie déchéance et un asservissement pour l’individu intérieurement immortel et libre, une renonciation au moins partielle à sa liberté primitive.

On sait la phrase sacramentelle qui dans le jargon de tous les partisans de l’État et du droit juridique, exprime cette déchéance et ce sacrifice, ce premier pas fatal vers l’asservissement humain. L’individu jouissant d’une liberté complète à l’état de nature, c’est-à-dire avant qu’il ne soit devenu membre d’aucune société, fait, en entrant dans cette dernière, le sacrifice d’une partie de cette liberté, afin que la société lui garantisse tout le reste. À qui demande