Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/340

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même ; inspirant à chacun la sécurité, la certitude et constituant pour tous la condition suprême de l’existence du grand nombre, la banalité, le lieu-commun, la routine.

Le plus grand nombre des hommes, pas seulement dans les masses populaires, mais dans les classes privilégiées et éclairées aussi bien et souvent même plus que dans les masses, ne se sentent tranquilles et en paix avec eux-mêmes que lorsque dans leurs pensées et dans tous les actes de leur vie ils suivent fidèlement, aveuglément la tradition et la routine : « Nos pères ont pensé et fait ainsi, nous devons penser et faire comme eux ; tout le monde autour de nous pense et agit ainsi, pourquoi penserions et agirions-nous autrement que tout le monde ? » Ces mots expriment la philosophie, la conviction et la pratique des quatre-vingt-dix-neuf centièmes parties de l’humanité, prise indifféremment dans toutes les classes de la société. Et comme je l’ai déjà observé, c’est là le plus grand empêchement au progrès et à l’émancipation, plus rapide de l’espèce humaine.

Quelles sont les causes de cette lenteur désolante et si proche de la stagnation qui constitue, selon moi, le plus grand malheur de l’humanité ? Ces causes sont multiples. Parmi elles, l’une des plus considérables sans doute, c’est l’ignorance des masses. Privées généralement et systématiquement de toute éducation