Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/349

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société sur ma propre personne, une loi morale écrite primitivement par Dieu même dans mon cœur, cette loi morale est nécessairement étrangère et indifférente sinon hostile à mon existence dans la société ; elle ne peut concerner mes rapports avec les hommes, et ne peut régler seulement que mes rapports avec Dieu, comme l’affirme très logiquement la théologie. Quant aux hommes, au point de vue de cette loi, ils me sont parfaitement étrangers. La loi morale s’étant formée et inscrite en mon cœur en dehors de tous mes rapports avec eux, elle ne peut avoir rien à faire avec eux.

Mais, dira-t-on, cette loi vous commande précisément d’aimer les hommes, autant que vous-mêmes, parce qu’ils sont vos semblables et de ne leur rien faire que vous ne voudriez pas qu’il soit fait à vous-même, d’observer à leur égard l’égalité, l’équation morale, la justice. À ceci je réponds que s’il est vrai que la loi morale contient ce commandement, je dois en conclure qu’elle ne s’est formée et qu’elle n’a pas été écrite isolément dans mon cœur ; elle suppose nécessairement l’existence antérieure de mes rapports avec d’autres hommes, mes semblables, et par conséquent elle ne crée pas ces rapports, mais les trouvant déjà naturellement établis, elles les règle seulement, et en est en quelque sorte la manifestation développée, l’explication, le produit. D’où il résulte que la