Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/73

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l’Amérique a de commun avec la Russie : nous voulons parler de l’immense quantité de terres fertiles et qui faute de bras restent encore aujourd’hui sans culture. Jusqu’à présent du moins, cette grande richesse territoriale a été presque perdue pour la Russie, parce que nous n’avons jamais eu de liberté. Il en a été autrement dans l’Amérique du Nord, qui par une liberté telle qu’elle n’existe nulle autre part attire chaque année des centaines de milliers de colons énergiques, industrieux et intelligents, et qui, grâce à cette richesse, peut les recevoir dans son sein. Elle en éloigne en même temps le paupérisme et retarde le moment où sera posée la question sociale : un ouvrier qui ne trouve pas de travail, ou qui est mécontent du salaire que lui offre le capital, peut à la rigueur toujours émigrer au far west pour y défricher quelque terre sauvage et inoccupée.

Cette possibilité restant toujours ouverte comme un pis-aller à tous les ouvriers d’Amérique, y maintient naturellement le salaire à une hauteur et donne à chacun une indépendance inconnues en Europe. Tel est l’avantage, mais voici le désavantage : le bon marché des produits de l’industrie s’obtenant en grande partie par le bon marché du travail, les fabricants américains, dans la plupart des occasions, ne sont pas en état de lutter avec les fabricants de l’Europe, — d’où résulte, pour l’industrie des États du Nord, la