Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/101

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Revenons à l’affaire du patriote russe Netchaïef.

Le gouvernement fédéral le fait chercher par toutes les polices cantonales. Il a donné ordre de l’arrêter. Mais une fois arrêté, qu’en fera-t-il ? Aura-t-il vraiment le courage de le livrer au tsar de Russie ? Nous allons lui donner un conseil : Qu’il le jette plutôt dans la fosse aux ours de Berne. Ce sera plus franc, plus honnête, plus court, et surtout plus humain.

Et d’ailleurs, ce sera une punition que M. Netchaïef aura bien méritée. Il a eu foi dans l’hospitalité, dans la justice et dans la liberté suisses. Il a pensé que puisque la Suisse était une république, elle ne pouvait avoir qu’indignation et dégoût pour la politique du tsar. Il a pris la fable de Guillaume Tell au sérieux ; il s’est laissé tromper |16 par la fierté républicaine des discours que nous prononçons dans nos fêtes fédérales et cantonales, et il n’a pas compris, l’imprudent jeune homme, que nous sommes une république toute bourgeoise, et qu’il est dans la nature de la bourgeoisie actuelle de n’aimer les belles choses que dans le passé, et de n’adorer dans le présent que les choses lucratives et utiles.

Les vertus républicaines coûtent trop cher. La pratique de l’indépendance et de la fierté nationale, prise au sérieux, peut devenir très dangereuse. La complaisance servile vis-à-vis des grandes puissances despotiques est infiniment plus profitable. D’ailleurs, les grandes puissances ont une manière d’agir à laquelle il est impossible de résister. Si vous ne leur obéissez pas, elles vous menacent, et leurs