Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion même, pour y puiser une force naturelle, le Conseil fédéral devrait être au moins composé des patriotes les plus dévoués, les plus intelligents, et les plus énergiques de la Suisse. Alors, il y aurait encore quelque chance qu’il ne faillira pas tout à fait à sa mission difficile. Mais comme, par cette même constitution, le Conseil fédéral est condamné à n’être rien que la quintessence et la suprême garantie du conservatisme bourgeois de la Suisse, il y a tout lieu de craindre qu’il y aura toujours dans son sein beaucoup plus de Cérésole que de Stæmpfli[1]. Nous devons donc nous attendre à voir diminuer chaque jour notre liberté, notre dignité républicaine et notre indépendance nationale.

La Suisse se trouve aujourd’hui prise dans un dilemme.

Elle ne peut vouloir retourner à son régime passé, à celui de l’autonomie politique des cantons, qui en faisait une confédération d’États politiquement séparés et indépendants l’un de l’autre. Le rétablissement d’une pareille constitution aurait pour conséquence infaillible l’appauvrissement de la Suisse, arrêterait tout court les grands progrès économiques qu’elle a faits, depuis que la nouvelle constitution centraliste a renversé les barrières qui séparaient et isolaient les cantons. La centralisation économique

  1. Jacques Stæmpfli était un radical bernois, qui, devenu membre et président du Conseil fédéral, montra en 1856 beaucoup d’énergie dans le conflit avec la Prusse au sujet de l’indépendance de Neuchâtel. — J. G.