Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/240

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bourgeoise n’a pas laissé de corrompre un peu le prolétariat français. Cela explique l’indifférence, l’égoïsme et le manque d’énergie qu’on observe dans certains métiers beaucoup mieux rétribués que les autres. Ils sont à demi-bourgeois par intérêt et par vanité aussi, et ils sont contraires à la révolution, parce que la révolution sociale les ruinerait.

La bourgeoisie constitue donc un corps très respectable, très considérable et fort nombreux dans l’organisation sociale de la France. Mais si toute la France n’était que bourgeoisie, à cette heure, en présence de l’invasion prussienne qui marche sur Paris, la France serait perdue.

La bourgeoisie a survécu à son âge héroïque, elle n’est plus capable de résolutions suprêmes comme en 1793, car depuis cette époque, repue et satisfaite, elle descend toujours. Elle sacrifiera encore au besoin la vie de ses enfants, mais non sa position sociale et ses biens, pour la satisfaction d’une grande passion, pour la réalisation d’une idée. Elle acceptera tous les jougs allemands et prussiens possibles plutôt que de renoncer à ses privilèges sociaux, plutôt que de s’égaliser économiquement avec le prolétariat. Je ne dirai |3 pas qu’elle manque de patriotisme. Au contraire le patriotisme pris dans le sens le plus exclusif de ce mot est sa vertu exclusive. Sans vouloir en convenir jamais et souvent même sans qu’elle s’en doute elle-même, elle adore la patrie, mais elle ne l’adore que parce que la patrie, représentée par l’État et tout absorbée par l’État, lui garantit ses privilèges politiques, économiques et sociaux. Une patrie qui cesserait de le faire cesserait d’en être une pour elle. Donc, pour la bourgeoisie, la patrie, toute la patrie, c’est l’État. Patriote de l’État, elle de-