Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/310

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Mais ce que je désire et j’espère du fond du cœur, c’est que cette guerre, le péril immense qui menace d’écraser |55 et d’engloutir la France, aura pour effet immédiat de confondre réellement le peuple des villes avec le peuple des campagnes, les ouvriers avec les paysans, dans une action commune. Ce sera là vraiment le salut de la France, Et je ne doute pas de la possibilité, de la prompte réalisation de cette union, parce que je sais que le paysan est profondément, instinctivement patriote. Une fois qu’on aura crié bien haut, plus haut que ne le fait et que ne peut le faire l’administration actuelle et les journaux de la bourgeoisie : « La France est en danger, les Prussiens pillent et tuent le peuple,

    doute ?) « et du principe électif, les droits du citoyen et les fonctions de l’État, dans une société progressive et libre. Pour atteindre ce but, il faut deux choses : supprimer la peur des uns et calmer les défiances des autres. Amener la bourgeoisie à l’amour de la démocratie, et le peuple à la confiance dans ses frères aînés. » (Pourquoi pas à la confiance dans la noblesse, qui est encore plus aînée que la bourgeoisie ?)
    Gambetta, en écrivant cette lettre, a évidemment voulu faire un acte politique : habituer la bourgeoisie au mot république. Mais n’aurait-il pas été encore plus politique, en ce moment de danger suprême, au lieu d’écrire des lettres pareilles, de faire |57 acte de virilité, pour me servir d’une expression favorite de Gambetta, et de renverser un gouvernement qui trahit et qui perd ostensiblement la France, de sorte que chaque instant de pouvoir qu’on lui laisse devient un crime de lèse-nation de la part de ceux qui ont le devoir et la facilité incontestable de le renverser, et qui ne le renversent pas, probablement parce qu’ils craignent de perdre leur réputation de sagesse ? — Vraiment, plus je considère ces gens, et plus je les méprise. Leur patriotisme, leur civisme, leur indignation s’exhalent en paroles, et ils sont si énergiques en paroles qu’il ne leur reste plus de force pour l’action. Le moment est terrible. Très probablement Mac-Mahon est battu et refoulé en Belgique. Encore quelques jours, et Paris sera assiégé par une armée de quatre cent mille hommes. Et alors ? — si les provinces ne se lèvent pas, la France est perdue. (Note de Bakounine.)