Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/319

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rement une grande différence de développement, ce qui aura pour conséquence peut-être d’abord la guerre civile des communes entre elles, puis inévitablement l’entente mutuelle et l’accord, l’harmonie, l’équilibre établis entre elles. Il y aura une vie nouvelle et un monde nouveau.[1]

Mais cette guerre civile, fût-elle même avantageuse à tous les points de vue possibles, cette lutte intérieure entre les habitants de chaque commune, augmentée de la lutte des communes entre elles, ne paralysera-t-elle pas la défense de la France, ne la livrera-t-elle pas aux Prussiens ?

Point du tout. L’histoire nous prouve que jamais les nations ne se sentirent aussi puissantes au dehors que lorsqu’elles se sentirent profondément agitées et troublées à l’intérieur, et qu’au contraire jamais elles ne furent aussi faibles que lorsqu’elles apparaissaient unies sous une autorité ou dans un ordre harmonieux quelconque. Au fond rien de plus naturel, la lutte c’est la vie et la vie c’est la force. Pour vous en convaincre, vous n’avez qu’à comparer deux époques, ou même quatre époques de votre histoire : d’abord la France sortie de la Fronde, et développée, aguerrie par les luttes de la Fronde, sous la jeunesse de Louis XIV, avec la France de sa vieillesse, avec la monarchie fortement établie, unifiée, pacifiée par le grand roi, — la première toute resplendissante de victoires, la seconde, marchant de défaite en défaite à la ruine. Comparez de même la France de 1792 avec la France d’aujourd’hui. En 1792 et en 1793 la France était proprement déchirée par la guerre civile ; le mouvement, la lutte, une lutte à vie et à mort se re-

  1. Ici, ligne 10 de la page 64 du manuscrit de Bakounine, j’ai fait une coupure : la Lettre IV se termine, et avec la ligne 11 commence la Lettre V (p. 114 de cette réimpression). — J. G.