Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Quinze mille citoyens furent arrêtés après les événements de Juin, et quatre mille trois cent quarante-huit frappés de la transportation sans jugement, par mesure de sûreté générale. Pendant deux ans, ils demandèrent des juges : on leur envoya des commissions de clémence, et les mises en liberté furent aussi arbitraires que leurs arrestations. Croirait-on qu’un homme se soit trouvé qui ait osé prononcer devant une Assemblée, en plein dix-neuvième siècle, les paroles que voici : « Il serait impossible de mettre en jugement les transportés de Belle-Isle, contre beaucoup d’entre eux il n’existe pas de preuves matérielles ». |56 Et comme, selon l’affirmation de cet homme, qui était Baroche (le Baroche de l’empire, et en 1848 le complice de Jules Favre, et de bien d’autres républicains avec lui, dans le crime commis en Juin contre les ouvriers), — il n’existait pas de preuves matérielles qui donnassent d’avance la certitude que le jugement aboutirait à une condamnation, on condamna quatre cent soixante-huit proscrits des pontons, sans les juger, à être transportés en Algérie. Parmi eux figurait Lagarde, ex-président des délégués du Luxembourg. Il écrivit de Brest, aux |66 ouvriers de Paris, l’admirable et poignante lettre que voici :

« Frères, — Celui qui, par suite des événements de février 1848, fut appelé à l’insigne honneur de marcher à votre tête ; celui qui, depuis dix-neuf mois, souffre en silence, loin de sa nombreuse famille, les tortures de la plus monstrueuse captivité ; celui, enfin, qui vient d’être